Joy Sorman, Du bruit : Où sont mes bombes, avec lesquelles j'exerçais dans l'ombre
Faire du bruit. Matière bruyante, poisseuse, abrasive, qui colle au visage. Voilà comment l'auteur définit cet état. Transcendant, irréel, corrosif, brut. Voilà, cette fois-ci, comment je pourrais qualifier l'oeuvre de Sorman, "Du bruit".
Avant d'entrer davantage dans la chronique de ce livre, il est important de parler du contexte dans lequel je l'ai lu. Je ne me suis pas réellement présentée dans l'article précédent, et je le ferai sûrement bientôt, mais il faut savoir qu'en dehors - ou plutôt en complémentarité - de mes cours, je travaille en librairie indépendante. Eh oui, j'ai cette joie, cette chance immense et réelle, de pouvoir m'enfermer pendant la pause déjeuner dans ce lieu plein de vie, de savoir, de poésie… Je côtoie des milliers d'histoires, de personnages différents sans vraiment en prendre conscience. Un coup d'oeil et j'ouvre un de ces univers merveilleux, ou non. Je fais de la communication à la fac, et donc on tape dans le mille, également à la librairie. En octobre, nous avons organisé une soirée autour de notre invitée, Joy Sorman, à l'occasion de la sortie de son nouveau livre, "La peau de l'ours" (Gallimard). J'avoue qu'au départ, j'avais un a priori plutôt négatif : son style était réputé alambiqué, sa pensée "machiste", ses thèmes de prédilection quelques peu bizarre (zoophilie bonjour !). Bref, c'était pas vraiment la joie absolue. Mais en l'écoutant parler, ma vision d'elle s'est modifiée : j'avais en face de moi une femme intelligente, charismatique. Alors je me suis laissé tenter.
Il faut savoir que je suis fan de hip-hop. J'aime ce style de musique unique, taillé dans la roche. J'aime cette improvisation, ce freestyle, que savent si bien manier les bons rappeurs. J'aime le flow saccadé, haché, craché. Et, entre autres, j'aime NTM, ce groupe mythique vu par Sorman tout au long du livre… Vous comprenez sûrement mieux pourquoi mon choix s'est porté sur "Du bruit"! Puis j'ai parlé quelques minutes avec Joy : on a discuté autour de notre passion commune, de nos artistes préférés… Je ne saurais pas dire pourquoi, mais on sentait que le rap et elle, c'était quelque chose. Au point même qu'elle m'a "avoué" qu'elle s'inspirait énormément du phrasé du rap dans l'écriture de ses textes.
Elle ne m'a pas menti. "Du bruit" est un cri du coeur, un livre qui retrace le parcours du célébrissime groupe parisien NTM, le tout vu sous les yeux de sa narratrice, Joy herself. Ce sont des mémoires exacerbées, extrapolées, vivantes et tranchantes. Ca sort des tripes. En lisant ce bouquin, on se dit qu'on est passé à côté de quelque chose : "putain, mais pourquoi on est né si tard ? Pourquoi on a pas pu vivre de nous-même cette expérience unique ?". En vérité, c'est très dur de résumer ce livre, tant le point de vie est si passionnel. Mes mots ne pourraient refléter ne serait-ce qu'un minimum la chaleur de ce récit, cette chaleur sanglante, qui vient du corps, qui vient du coeur. À la lecture, on est comme happé par la foule, on a les oreilles qui saignent d'avaler tant de décibels, on a l'impression de voir Joeystarr juste en face de nous, en train de sortir son cri venu des cavernes. Joeystarr, parlons-en justement : il éclipse entièrement Kool Shen ; c'est double r, alors tout lui est pardonné. Tout chez lui semble fantasmé. Sorti de l'enfer pour faire trembler la foule.
Les situations rocambolesques entre les personnages ? On n'en a que faire. Tout parait si réel, tellement on est pris dans le fer de l'histoire. On a tous envie d'avoir un Sam, à côté de nous, à un concert, en train de nous débiter des faits irréels sur le groupe. On veut simplement profiter de chaque secondes de ce moment qui ne se reproduira plus.
Le style peut un peu surprendre au début, voire repousser. L'écriture est faite d'emphases, mais semble surtout avoir été couchée sur l'instru d'un morceau du groupe. Mais au fur et à mesure, on en redemande même.
Ce qui est incroyable avec ce livre, c'est que le souvenir que j'ai de lui est encore meilleur que sa lecture. C'est comme si la passion nostalgique transmise par Joy Sorman à propos de NTM se transposait au livre. Là, on se dit "ah ouais, c'était quelque chose quand même".
Je pense que ce livre plaira davantage aux amateurs de rap. Toutefois, il est toujours bon de se faire un avis, rien que pour le style de l'auteur. Et puis qui c'est, peut-être qu'au final, Joy Sorman aura réussi à former un(e) nouvel(le) adepte, une nouvelle personne qui se dira "putain, si seulement j'avais vécu ça". Je vous le souhaite. ;)
J'ai encore plus hâte de le lire pour le coup! Ce qui me fait "peur" c'est le contraste entre le Joey Starr de l'époque (et donc décris dans le livre) et celui de maintenant. Lui qui parlait de "d'aller à l'Elysée, (pour y) brûler les vieux", s'y retrouve à y aller mais pour copiner.
RépondreSupprimerBon heureusement qu'il n'y va pas pour les brûler vraiment hein, mais le contraste est assez flagrant!
J'espère que tu ne sera pas déçu ! Oui, c'est pour ça que je pense que la puissance de ce livre, c'est vraiment de raconter une époque, avec les tripes ! Il faut vraiment se dire que c'est l'histoire d'un instant, qui ne se reproduira plus. Bon après, il faut pas être gêné par le "c'était mieux avant", mais ça passe encore.
SupprimerAprès lecture - que ce livre se lit vite, tant on y semble spectateur! - je ne peux qu'être d'accord avec ton avis, ce livre laisse un très bon souvenir!
RépondreSupprimerJ'ai eu un peu peur au vu du style lors des trois premières pages, mais une fois ce premier chapitre passé, tout va beaucoup mieux, soit il est devenu plus fluide, soit je m'y suis habitué, mais je conseillerais effectivement de persévérer un peu sur ce point!
J'ai beaucoup aimé la première partie de ce livre, qui, par le biais de NTM décrit, de très belle manière, plus globalement la culture Hip-hop. Si cela était possible, je conseillerai même cette partie aux gens qui ont des aprioris sur ce mouvement, et plus particulièrement cette musique, que beaucoup trouvent violente, alors que d'autres artistes aimés de tous, le sont tout autant.
Dans la seconde partie, les fans du groupe seront comblés, tant l'immersion est telle que l'ont s'imagine nous aussi à ces concerts!