Chronique #3 : Le Maître des Illusions, Donna Tartt

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 TARTT, Donna, Le Maître des Illusions, Pocket, édition de luxe, 790p., 9,10€ (1992/2014), 5/5 étoiles


Je sais que cela peut paraitre extrêmement bateau de commencer cette critique en annonçant que certains livres ont le don de nous remuer, de nous hanter, de nous fasciner. De laisser une trace indélébile dans nos esprits, pour le dire plus simplement. C'est niais, commun, banal. Mais c'est vrai. Et c'est ce qui m'est arrivé avec le merveilleux "Le Maître des Illusions", le premier roman de la romancière américaine Donna Tartt. 

Ici, nous plongeons dans l'univers de Richard, un jeune californien qui débarque à l'Université de Hampden, dans le Vermont, dans le but d'étudier la littérature anglaise. Or, son parcours universitaire prend un tournant lorsqu'il prend connaissance de Julian Morrow, mystérieux et fascinant professeur de grec et de latin qui trie ses élèves sur le volet. Ses quatre étudiants - les jumeaux Charles et Camilla, le bruyant Bunny, l'élégant Francis, et surtout, le grand et brillant Henry - exercent une attraction incontrôlable sur Richard. Grâce à un concours de circonstances, il parvient à entrer dans ce cercle très prisé. À partir de cet instant, son destin va complètement basculer… 

Il est très difficile de placer ce livre dans une catégorie précise. À la fois roman policier, par le biais du meurtre de Bunny, livre à suspense, puisque ce dernier est promis d'emblée, mais surtout une incroyable fiction, narrée toute en finesse, avec une écriture ayant le don de nous faire voyager jusqu'aux contrées du Vermont. En lisant ce livre, j'avais l'impression de marcher aux côtés des protagonistes, de pénétrer leur intimité, d'avoir la chance d'assister, moi aussi, aux très sélects cours de M. Morrow… Le fait que la littérature classique soit omniprésente a, je pense, très certainement joué dans l'élaboration de cette ambiance fantasmatique, onirique. J'ai adoré imaginer ces étudiants, parés d'un style anglais et bourgeois, au coeur de cette authentique et confidentielle faculté. Vraiment, "Le Maître des Illusions" fait partie de ces livres inoubliables. 

Ce roman est un long pavé de 800 pages, segmentées par quelques chapitres, constitués, en moyenne, de 100 pages. Pour autant, ce livre se lit tout seul, tellement on se retrouve happé dans cette histoire irréelle. Par moments, j'étais littéralement à bout de souffle face à la trame qui était en train de se dessiner. Nous savons dès le départ que Bunny va être tué par ses acolytes : mais pourquoi, comment ? Qu'est-ce qui va subvenir par la suite ? Sérieusement, je vous met au défi de lâcher ce bouquin ! 

À bien des égards, ce roman m'a fait curieusement penser à "Thérèse Raquin", d'Émile Zola. Est-ce un hasard si c'est également un de mes livres préférés? Je ne crois pas. J'ai retrouvé cette même atmosphère magnétique, ce même déchirement entre les personnages, ces descriptions soignées, nous permettant d'en apprendre plus sur le contexte et la personnalité des héros. 

La philosophie grecque a pour maxime l'idée que les choses terribles et sanglantes sont parfois les plus belles. Cela n'a jamais paru aussi vrai. 

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Chronique #2 : Every Day, David Levithan

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LEVITHAN, David, Every Day, Ember, 384p., 8,80 € (2013), 4,5/5 étoiles. 


A comme Attendre et Aimer. Voilà deux mots qui pourraient qualifier la posture du héros de David Levithan, l'énigmatique A, dans son très beau roman Young Adult "Every Day". 

Je ne pense pas être la seule, mais j'aime lire des histoires originales, quasi-inédites, qui me transportent dans un univers à la fois totalement étranger et terriblement réel. C'est ce que j'ai pu retrouver dans ce roman à l'écriture très simple, narrant les aventures de A, un individu de 16 ans, sans genre sexuel prédéfini, qui vogue chaque jours de corps en corps, et ce depuis toujours. A peut donc être un jour une fille superficielle, vivant dans un quartier huppé du Vermont, et se réveiller le lendemain matin dans le corps d'un garçon obèse à l'autre bout de la côte Est. Seule constante : il/elle doit attendre 365 jours pour être dans la peau d'une personne un poil plus âgée. 

Malgré la douleur de ce processus, l'empêchant de mener à bien sa propre destinée, d'obtenir une enveloppe charnelle bien à soi, A s'est accommodé, tant bien que mal, à ce mode de vie surprenant. Mais tout bascule lorsque, dans la peau de Justin, un ado rockeur au tempérament je-m'en-foutiste, il rencontre la petite-amie de ce dernier : Rhiannon. C'est alors le coup de foudre pour A, qui va tout faire pour revoir la jeune femme, n'hésitant pas à "prendre en otage" les corps qu'il habite par la suite… 

J'avais placé énormément d'attentes dans ce livre. Le résumé, ainsi que les divers échos que j'en avais eu, m'avaient emballé. Je peux dire que je n'ai pas été déçue. J'aime la littérature Young Adult, mais je regrette souvent le fait que les récits se répètent à l'envi, que les histoires d'amour soient trop mièvres… À mon plus grand plaisir, ce n'est pas le sentiment que j'ai eu à la lecture de ce roman. Bien sûr, la relation entre A et Rhiannon est au centre de la narration, mais pour autant, l'auteur n'en fait pas du pathos. Et ça fait du bien. Car cette histoire est tellement originale, émouvante, qu'il aurait été dommage qu'elle soit gâchée par un excès de sentimentalisme. 

Plus que la palette de personnages présentés, j'ai aimé le message véhiculé par Levithan à propos de la question du genre, de l'homosexualité et de la transexualité : les différences entre filles et garçons sont purement construites par le milieu social et sociétal dans lequel s'ancre l'individu, tandis que l'amour entre deux personnes du même sexe n'a même pas à être débattue, puisque c'est quelque chose de normal. Ca aussi, ça fait un bien fou.

Le point faible de ce livre pourrait résider dans sa longueur. Les jours s'égrenant, les nouveaux corps apparaissent et se présentent. Sauf que l'on ignore où tout cela va nous mener. Certains chapitres donnent l'impression d'avoir comme seule fonction de repousser l'heure du dénouement. Heureusement, l'histoire est prenante et il est donc plus évident de passer outre ce désagrément. 

Pour ce qui est de la fin, je ne la révélerai évidemment pas, mais je pense que celle-ci est très bien trouvée et ne part pas dans un scénario complètement délirant, ce que je redoutais. Et un petit conseil : gardez bien précieusement un petit mouchoir à côté de vous ! 

Je ne pourrai que vous conseiller de lire ce livre en anglais, comme je l'ai fait : la langue est très compréhensible, il n'y a pas de difficultés majeures, et le style de l'auteur est fait pour être lu en version originale. À noter que dans la version que j'ai acheté, j'ai eu droit à un prequel, nommé "Six earlier days". Autant dire qu'ils n'apportent rien de plus à l'histoire : ces chapitres ont clairement été ajoutés pour permettre aux plus grands fans de continuer l'expérience de lecture. 

Une suite, nommée "Another Day", est attendue pour l'été 2015. L'histoire sera narrée du point de vue de Rhiannon, mais j'ignore totalement si cela relatera la même histoire - auquel cas cela s'avérait complètement inutile - ou si nous retrouverons nos protagonistes dans un futur plus ou moins proche. Dans tous les cas, le rendez-vous est pris!

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Je suis Charlie, mais je suis aussi tous les autres…

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J'ai hésité à écrire cet article. Longuement. Comment trouver les mots pour traduire l'horreur, comment dire ce qui n'a pas déjà été dit, comment s'exprimer face à ces témoignages bouleversants qui se succèdent ? 

Puis j'ai décidé de prendre mon clavier, d'abord en tant que jeune femme choquée par ces événements, puis - et surtout - en tant que citoyenne. Citoyenne française, citoyenne du monde. D'un monde libre et démocratique. Il n'y a pas de mots pour expliquer ce qui s'est déroulé, juste des condoléances à énoncer. Des manifestations à mener, des soutiens à exprimer. Et surtout, rester unis. Refusons nous de céder à l'amalgame, ce champ funèbre que tentent de nous souffler ces politiques véreux, ne respectant rien ni personne. Rendons leur hommage de la meilleure manière, soyons impertinents ! Et surtout, continuons leur combat. Celui pour lequel ils ont perdu la vie…

Avec Charlie, on se croisait, on se regardait furtivement. On se fleurait parfois, mais ça ne durait jamais longtemps. Je n'ai jamais émis l'acte d'acheter ce journal. Je souriais souvent, devant les "unes", bien que je ne sois pas adepte de l'humour Charlie Hebdo. Mais ils avaient le mérite d'exister, de contrebalancer le monde de la presse, lisse, uniforme et unidirectionnel. Ils n'étaient pas financés par la publicité, n'avaient pas des actionnaires millionnaires dans leurs rangs. C'était juste une bande de gars, un groupe de potes, qui s'amusaient à créer un journal. Rien de plus, rien de moins. Ah si, ils tentaient de faire passer un message aussi, même s'il ne pouvait pas toujours être très bien interprété, même par moi. 

Ce message les a tués. Massacrés pour un coup de crayon. Exterminés pour avoir donné leurs avis, tels des parias. Non, encore pire. Assassinés en plein 11ème arrondissement de Paris, en pleine journée. Mais après tout, qu'importe le contexte, le résultat est malheureusement le même… 

Ils n'ont pas tué Charlie. Ne leur donnons pas ce plaisir. Ils ne nous réduiront pas au silence. Mobilisons nous, montrons nous ! Crions, marchons, soutenons ! Cela ne les ramènera pas, mais nous devons afficher notre solidarité. Tentons de les rendre un tant sois peu fier, là-haut ou ailleurs. 

Merci Charlie, pour tout. Nous ne vous laisserons pas mourir. Vous vivrez éternellement. 



Je suis Charb, je suis Tignous, je suis Wolinski, je suis Cabu, je suis Honoré, je suis Bernard, je suis Ahmed, je suis Franck, je suis Elsa, je suis Michel, je suis Mustafa, je suis Frédéric, je suis Clarissa. Je suis Charlie


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Joy Sorman, Du bruit : Où sont mes bombes, avec lesquelles j'exerçais dans l'ombre

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SORMAN, Joy, Du bruit, Gallimard, Folio, 143p., 5,20 € (2007), 4/5 étoiles. 


Faire du bruit. Matière bruyante, poisseuse, abrasive, qui colle au visage. Voilà comment l'auteur définit cet état. Transcendant, irréel, corrosif, brut. Voilà, cette fois-ci, comment je pourrais qualifier l'oeuvre de Sorman, "Du bruit". 

Avant d'entrer davantage dans la chronique de ce livre, il est important de parler du contexte dans lequel je l'ai lu. Je ne me suis pas réellement présentée dans l'article précédent, et je le ferai sûrement bientôt, mais il faut savoir qu'en dehors - ou plutôt en complémentarité - de mes cours, je travaille en librairie indépendante. Eh oui, j'ai cette joie, cette chance immense et réelle, de pouvoir m'enfermer pendant la pause déjeuner dans ce lieu plein de vie, de savoir, de poésie… Je côtoie des milliers d'histoires, de personnages différents sans vraiment en prendre conscience. Un coup d'oeil et j'ouvre un de ces univers merveilleux, ou non. Je fais de la communication à la fac, et donc on tape dans le mille, également à la librairie. En octobre, nous avons organisé une soirée autour de notre invitée, Joy Sorman, à l'occasion de la sortie de son nouveau livre, "La peau de l'ours" (Gallimard). J'avoue qu'au départ, j'avais un a priori plutôt négatif : son style était réputé alambiqué, sa pensée "machiste", ses thèmes de prédilection quelques peu bizarre (zoophilie bonjour !). Bref, c'était pas vraiment la joie absolue. Mais en l'écoutant parler, ma vision d'elle s'est modifiée : j'avais en face de moi une femme intelligente, charismatique. Alors je me suis laissé tenter. 

Il faut savoir que je suis fan de hip-hop. J'aime ce style de musique unique, taillé dans la roche. J'aime cette improvisation, ce freestyle, que savent si bien manier les bons rappeurs. J'aime le flow saccadé, haché, craché. Et, entre autres, j'aime NTM, ce groupe mythique vu par Sorman tout au long du livre… Vous comprenez sûrement mieux pourquoi mon choix s'est porté sur "Du bruit"! Puis j'ai parlé quelques minutes avec Joy : on a discuté autour de notre passion commune, de nos artistes préférés… Je ne saurais pas dire pourquoi, mais on sentait que le rap et elle, c'était quelque chose. Au point même qu'elle m'a "avoué" qu'elle s'inspirait énormément du phrasé du rap dans l'écriture de ses textes. 

Elle ne m'a pas menti. "Du bruit" est un cri du coeur, un livre qui retrace le parcours du célébrissime groupe parisien NTM, le tout vu sous les yeux de sa narratrice, Joy herself. Ce sont des mémoires exacerbées, extrapolées, vivantes et tranchantes. Ca sort des tripes. En lisant ce bouquin, on se dit qu'on est passé à côté de quelque chose : "putain, mais pourquoi on est né si tard ? Pourquoi on a pas pu vivre de nous-même cette expérience unique ?". En vérité, c'est très dur de résumer ce livre, tant le point de vie est si passionnel. Mes mots ne pourraient refléter ne serait-ce qu'un minimum la chaleur de ce récit, cette chaleur sanglante, qui vient du corps, qui vient du coeur. À la lecture, on est comme happé par la foule, on a les oreilles qui saignent d'avaler tant de décibels, on a l'impression de voir Joeystarr juste en face de nous, en train de sortir son cri venu des cavernes. Joeystarr, parlons-en justement : il éclipse entièrement Kool Shen ; c'est double r, alors tout lui est pardonné. Tout chez lui semble fantasmé. Sorti de l'enfer pour faire trembler la foule. 

Les situations rocambolesques entre les personnages ? On n'en a que faire. Tout parait si réel, tellement on est pris dans le fer de l'histoire. On a tous envie d'avoir un Sam, à côté de nous, à un concert, en train de nous débiter des faits irréels sur le groupe. On veut simplement profiter de chaque secondes de ce moment qui ne se reproduira plus

Le style peut un peu surprendre au début, voire repousser. L'écriture est faite d'emphases, mais semble surtout avoir été couchée sur l'instru d'un morceau du groupe. Mais au fur et à mesure, on en redemande même. 

Ce qui est incroyable avec ce livre, c'est que le souvenir que j'ai de lui est encore meilleur que sa lecture. C'est comme si la passion nostalgique transmise par Joy Sorman à propos de NTM se transposait au livre. Là, on se dit "ah ouais, c'était quelque chose quand même". 

Je pense que ce livre plaira davantage aux amateurs de rap. Toutefois, il est toujours bon de se faire un avis, rien que pour le style de l'auteur. Et puis qui c'est, peut-être qu'au final, Joy Sorman aura réussi à former un(e) nouvel(le) adepte, une nouvelle personne qui se dira "putain, si seulement j'avais vécu ça". Je vous le souhaite. ;)

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Le début d'une histoire…

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Le premier chapitre est toujours très important. Cet incipit est tellement précieux qu'il s'avère souvent être l'élément privilégié en vue d'en faire une analyse fine, permettant, au final, de décrocher le précieux sésame validant les examens. 

Commencer une histoire, voilà qui est complexe. On ne sait pas toujours par quel bout débuter l'aventure, comment se présenter, quel trait mettre en avant, lequel autre il est préférable de cacher, pour le moment du moins. Il faut essayer de séduire le lecteur - qui appréhende parfois cette nouvelle lecture - pour le tenter à poursuivre le cheminement de l'histoire. Un marketing littéraire très bien rôdé, en somme. Voilà qui est ardu. 

Alors je commencerai tout bêtement en avouant que oui, j'aime lire, c'est même certain. Pour autant, je ne pense pas pouvoir dire que cet amour pour cette activité soit inné. Lire n'a pas toujours été une partie de plaisir. Mais comme tout, cela s'apprivoise. Il faut du temps pour trouver le bon livre, celui qui provoquera un coup de foudre irrémédiable pour la littérature. J'ai eu cette chance, avec plusieurs ouvrages qui se sont fait une place dans mon coeur. Mais peu importe que ce livre-révélateur soit considéré comme mauvais par les autres : un livre qui plaît à une personne est un bon livre. Cette quête, si dure, peut mettre du temps, mais elle n'est pas vaine. 

Comme je l'ai dit, j'aime lire. J'aime cet instant où je me retrouve seule, en compagnie d'un livre. Ce moment, qu'il soit forcé, agréable, pénible, plaisant, qu'importe au final, est toujours un moment qui me procure des émotions. Alors ces émotions, j'aimerais les partager avec vous au travers de ce blog. J'aimerais échanger autour de mes coups de coeur, de ces ouvrages dont je n'ai jamais compris le sens et que j'ai été forcé de reposer avant la fin, de ces livres qui m'incitent, chaque fois que je les aperçois, à vider mon compte en banque. Alors que l'aventure commence… En espérant que vous me suiviez jusqu'au prochain chapitre ! 


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