Réflexion livresque #1 : Que cherchons nous dans les romans d’anticipation ?

11:30 MandyBooks 2 Commentaires



J’ai décidé d’inaugurer une rubrique un peu particulière aujourd’hui. J’aime beaucoup livrer mes sentiments quant aux livres que je viens de terminer, mais je souhaiterais, de temps en temps, aller au delà. Partager une réflexion plus globale, profonde aussi, peut-être. 

Vous l’avez sûrement remarqué par le biais de mon blog, ou alors si vous me suivez également sur Goodreads : je suis une fervente admiratrice des romans d’anticipation. On les appellent également « dystopies », ou on les regroupent sous l’imposante catégorie prénommée « science-fiction ». Mais cette question terminologique importe peu, puisqu’après tout, l’important est de cerner la réalité que ce terme recouvre : imaginer notre société dans un futur plus ou moins proche, où les individus ne pourrons pleinement se réaliser car empêchés par une force extérieure. La plupart du temps, cette dernière s’avère être un gouvernement totalitaire. Vaste sujet. 

Les dystopies se sont développées au cours du XXeme siècle. De tête, Nous autres de Ievgueni Zamiatine tient la grappe, bien que d’autres doivent lui être antérieurs. S’en sont suivis, dans les années 1940-1950, des énormes classiques de la littérature : 1984, Le Meilleur des Mondes, Chroniques Martiennes, Fahrenheit 451… Plus récemment, Philip K. Dick, Margaret Atwood ou encore le français Jean-Christophe Ruffin ont pris le pas.

Mais ce genre a réellement repris de l’engouement avec les dystopies jeunesses, adaptées au cinéma ou à la télévision. Pour les plus connues, on va citer les incontournables Hunger Games, Divergent, The 100, The Maze Runner ou encore The Giver. J’avoue avoir commencé avec cette nouvelle école. Je suis une fan absolue de la sage The Hunger Games. Alors je suis d’accord, l’idée est totalement pompée sur « Battle Royal », d’origine japonaise, mais il n’en reste pas moins que cette sage signifie beaucoup pour moi : lire un personnage bad ass comme Katniss Everdeen m’a fait un bien fou, pour ne citer que cet exemple. Un succès entraînant un autre, je me suis attelée à la lecture de Divergent, et d’autres, un poil plus confidentielles, vont suivre.

Mais cette découverte jeunesse m’a peu à peu amenée vers les romans d’anticipations plus exigeants, comme 1984, qui m’a retourné dans ma chaire. À la fin de cette lecture, j’étais tellement mal que je me suis demandée pourquoi je m’infligeais des ouvrages si noirs, pessimistes. Après tout, que recherchons nous dans ces livres ? À nous faire peur, ou au contraire à nous rassurer ?




Je n’aiderai personne en pensant qu’il y a surement un peu des deux. Les descriptions de mondes post-apocalyptiques, ravagés par les guerres et la pollution ne peuvent que nous faire frissonner. Surtout sachant le contexte : les individus ouvrent enfin les yeux sur les particules fines qui empoisonnent régulièrement les grandes villes du monde, la situation géopolitique (faut-il citer l’Ukraine?) se tend peu à peu. Les partis xénophobes n’ont jamais été autant populaire dans l’opinion publique. La Loi Renseignement a été adoptée en France, donnant un aspect Orwellien à notre société. Les situations évoquées dans ces romans paraissent de plus en plus plausibles. Le tout, sous une apathie des citoyens. Lire des romans d’anticipation serait-il une manière de nous préparer, tout doucement, vers ces sociétés vers lesquelles nous convergeons ? À nous conditionner au pire, à savoir comment réagiraient les gens sous une dictature a demi-voilée ? Comme je l’ai dit dans ma chronique précédente, j’ai été frappée par une citation :

Les masses ne se révoltent jamais de leur propre mouvement, et elles ne se révoltent jamais par le fait qu’elles sont opprimées. Aussi longtemps qu’elles n’ont pas d’élément de comparaison, elles ne se rendent jamais compte qu’elles sont opprimées.

Le processus semble chaque fois en marche, sans que personne ne soit capable de l’arrêter. À glacer le sang.

Mais une figure récurrente intervient systématiquement dans ce type de romans : le rebelle. Que ce soit Katniss Everdeen, Winston Smith, Tris Prior, Guy Montag, tous cherchent à inverser le cours des choses. Héros révolutionnaires, ils incarnent l’espoir d’un retour vers une civilisation démocratique. Ils prouvent que toute révolte ne peut être tue, et que bien organisée, elle peut renverser un pouvoir totalitaire (cela nous vous rappelle t-il pas quelque chose, notamment dans une histoire de France pas si lointaine que cela ?).

Lire des romans d’anticipation serait alors, paradoxalement, une façon de reprendre confiance dans le genre humain. Une manière de se prouver que tout n’est pas voué à partir en cacahuètes, que l’Homme ne peut rester passif indéfiniment. Mais… Quel enseignement tire t-on lorsque ces dites révolutions sont confisquées ? Que l’attrait du pouvoir est plus fort que tout ? Que l’on ne peut réellement faire confiance à quiconque ? Ou l’image du serpent qui se mord la queue…

Au final, je pense que l’enseignement supérieur qui se détache de ces bouquins est que nos libertés sont fragiles, et qu’il faut rester, en toutes circonstances, vigilants quant à leur préservation. Qu’il ne faut pas attendre que le mal soit ancré pour le combattre. C’est cette version que, personnellement, je souhaite garder en tête après chacune de ces lectures. C’est utopique, oui, mais peut-être bien que la dystopie veut nous amener vers ce point. Comme l’utopie nous fait voyager vers son contraire.

Et vous, lisez-vous des romans d’anticipation ? Si oui, qu’en pensez-vous ?

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Chronique #11 : 1984, George Orwell

11:46 MandyBooks 1 Commentaires

ORWELL, George, 1984, e-book, 8,50 € en livre de poche, 438p. (1949). 5/5 étoiles. 

Ma grande affection pour les dystopies me perdra… Il y a quelques jours, j'ai lu 1984, soit LE grand roman de George Orwell ! L'année dernière, je m'étais plongée dans La Ferme des Animaux, et j'avais déjà été frappée par le pessimisme de ses récits. Un pessimisme au service d'une satyre sociale et politique.

Ici, ce sentiment est davantage exacerbé. Nous sommes en 1984, en Océania, force politique rassemblant les puissances anglo-saxonnes. En face, il y a l'Eurasia, l'équivalent de l'Europe, et l'Estasia, correspondant à l'Asie. L'Océania est en guerre contre l'Eurasia. Ou l'Estasia. Au final, on ne sait plus trop. Et au milieu de ce capharnaüm policé, nous retrouvons Winston Smith. Il travaille pour le parti intérieur de l'ANGSOC, au pouvoir en Océania, incarné par le grand Big Brother. Et entretemps, il est surveillé par des télécrans, ayant comme but de scruter tous ses faits et gestes. 

Mais Winston ne veut plus de cette vie là. Travaillant au service des archives, il se rend bien compte des mensonges du parti. Big Brother avait annoncé, un an plus tôt, que la ration de chocolat serait de 30 grammes par semaine, mais l'objectif n'est finalement pas atteint ? Changeons, alors ! Big Brother vous avez annoncé qu'elle serait de 15g, et elle est passée à 20 ! Vive Big Brother ! Voilà à quoi se résume le travail de Winston. 

Il sait qu'il ne peut pas renverser le parti seul. Certains ont essayé et ont été rayés de la mémoire collective. Plus aucune trace. Alors il espère que consigner ses mémoires dans un carnet, à destination des générations futures, aidera. Mais il sait que c'est peine perdue. Big Brother gagne toujours. Toujours.

Je préfère vous prévenir de suite : à la fin de cette lecture, j'ai perdu toute foi en l'humanité. Cela n'a beau être qu'un récit, il contient une force qui vous transperce, qui vous transporte au-delàLa marque des grands romans, sûrement. Et surtout, je trouve ce roman très actuel : alors certes, tous les pays ne sont pas continuellement bombardés, nous ne sommes pas forcés de crier quotidiennement notre haine contre le traite de la nation durant un certain laps de temps… Mais il n'en reste pas moins que nous tendons vers une surveillance généralisée. Le scandale de la NSA n'est pas si loin. 

Je resterai évasive sur ce point, pour ne spoiler personne, mais la dernière partie du roman est un supplice. Nous vivons tout comme Winston, intensément. Puis, un propos de George Orwell m'a fait tiquer : pourquoi les masses, qui sont les grandes perdantes de l'histoire, vivant dans une précarité extrême, ne se révoltent-elles pas, sachant qu'elles ont l'avantage du nombre ? Tout simplement car n'ayant pas de moyens de comparaison, elles ne se rendent pas compte de leur soumission. Percutant.

Cette chronique peut peut-être rebuter, j'en ai conscience, mais au final, ce roman est réellement à lire ! Il ne fait que nous ouvrir les yeux sur un passé exécrable (ce récit étant une critique du régime Stalinien) et nous préviens de ce qui pourrait advenir si nous ne restons pas vigilants. Un simple conseil : mangez une bonne pâtisserie à côté, cela vous réconfortera.



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Chronique #10 : The Guest Cat, Takashi Hiraide

15:59 MandyBooks 0 Commentaires

HIRAIDE, Takashi, The Guest Cat, Picador, 140p., environ 8 euros (2001), 3/5 étoiles.


Aujourd'hui, je vais vous parler d'un petit roman japonais, traduit en anglais et lu par une française. La joie de la mondialisation ! Plus sérieusement, je vais vous donner mon ressenti quant à la lecture de The Guest Cat (Le chat qui venait du ciel, en français), qui fut assez mitigée

Dans ce récit, nous allons à la rencontre d'un couple de trentenaires, vivant dans une banlieue paisible de Tokyo. Tous les deux éditeurs, ils vivent une vie morne, monotone. Mais tout bascule lorsqu'une chatte débarque dans le quartier et leur fera réapprendre les petits plaisirs de la vie. 

Ça a l'air pathos dit comme ça, mais c'est bien plus suggéré en réalité. Takashi Hiraide est connu pour produire beaucoup de poésie et, même si l'on est face à un roman, on ressent bien la patte lyrique insufflée au récit, lui donnant une extrême sensibilité. 

J'attendais énormément de ce livre puisque je suis une grande amoureuse des chats (et surtout du petit roux sur la photo). Et je dois avouer que j'en ressort un peu déçue : certains passages du bouquin m'ont fait sourire, m'ont amusé, m'ont touché. Mais au final, de nombreux passages ne sont mémorables. Je ne sais pas si j'ai manqué quelque chose, ou si au final cette platitude, certes très belle, n'est pas faite pour moi. Je pense redonner sa chance à ce livre d'ici quelques temps, et je ne désespère pas de l'apprécier davantage ! Et puis, il faut avouer que la couverture de l'édition anglaise est simplement sublime, rien que ce point donne envie d'ouvrir ce livre !

Si vous aimez la littérature japonaise et que vous souhaitez une lecture simple, courte, s'attachant aux petits détails de la vie, je vous conseille de vous plonger dans The Guest Cat. Après 1984, j'avoue que cette lecture m'a fait le plus grand bien. Toutefois, attention à l'édition anglaise : le style est assez ardu et il faut s'accrocher, bien que cela peut en valoir la peine !

À bientôt pour une nouvelle chronique :)

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Chronique #9 : Le Joueur d'Échecs, Stefan Zweig

18:02 MandyBooks 3 Commentaires

ZWEIG, Stefan, Le Joueur d'Échecs, E-book, 128p. en livre de poche, environ 3€, (1943) 5/5 étoiles


En ce 1er mai grisâtre (pour les plus chanceux comme moi), ou pluvieux (pour les plus malheureux), je vous propose de vous réchauffer le coeur avec une superbe nouvelle écrite par Stefan Zweig… Le Joueur d'Échecs

À bord d'un paquebot emmenant ses voyageurs vers l'Argentine, le narrateur, d'origine Autrichienne, est piqué de curiosité par la présence de Czentovic, aka LE champion du monde des échecs ! 
Surtout que… Czentovic est le genre d'homme imbu de lui-même : rien dans la tête, tout dans le porte-monnaie, pour caricaturer. Face à ça, les voyageurs du bateau n'ont qu'une seule envie : affronter le champion et le battre. Sauf que Czentovic n'est pas champion du monde pour rien… Les défaites s'enchaînent, jusqu'à ce qu'un homme mystérieux intervienne dans la partie et permette aux outsiders de faire match nul. Mais qui est donc cet homme ?

Je ne sais pas si j'ai réussi à vous donner envie de lire cette nouvelle avec mon résumé teinté de suspense (oui, oui), mais je peux vous assurer que cette nouvelle se lit d'une traite sans même s'en rendre compte ! 

Pourquoi est-ce que ça m'a plu ? Tout d'abord grâce au style, que j'ai trouvé magnifique. Zweig a une écriture envoûtante : les mots sont simples, mais tellement bien choisis, à tel point que l'on se sent happé par le récit et que l'on ne souhaite plus en sortir. Puis, et surtout, grâce à la mise en abîme du récit. Je n'en dévoile pas plus, mais vous découvrirez un récit dans le récit, que j'ai trouvé passionnant. 

Cette nouvelle est d'ailleurs le dernier écrit de Stefan Zweig. L'écrivain autrichien s'est suicidé en 1942, n'ayant plus d'espoir en l'humanité face aux crimes que commettaient les nazis à cette époque. 

Ce récit a parfaitement rempli son rôle, selon moi : il donne envie de découvrir l'univers de l'auteur et de se plonger dans des romans bien plus longs. Pour ma part, la biographie de Marie-Antoinette me fait de l'oeil ! 

Je termine par vous souhaiter une bonne journée de repos à tous. Profitez-en pour lire un peu ! 

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