Chronique #13 : Forbidden, Tabitha Suzuma

SUZUMA, Tabitha, Forbidden, Definitions, 432p., environ 8€ (2010), 5/5 étoiles
Bonjour !

Je vous retrouve aujourd'hui pour vous parler d'un livre qui a incontestablement marqué mon année 2015, voire ma vie littéraire toute entière - oui, oui, tant que ça. 

Ce livre, c'est Forbidden, de Tabitha Suzuma, une jeune romancière Anglaise spécialiste du roman Young Adult. C'est ainsi que l'auteur nous plonge dans un Londres sans ambages, ni raffinement, à l'image des deux jeunes héros : Maya et Lochan. Tous les deux sont au lycée, avec des fortunes diverses. Si Maya ne vit pas cette période de l'adolescence avec des difficultés spécifiques, Lochan, lui, ne peut parvenir à se socialiser : même prendre la parole en cours lui demande un énorme effort. 
Les galères s'enchaînent quand ils passent le seuil de leur maison, puisqu'ils ont à leur charge leurs trois petits frères et soeurs qui leurs demandent toute leur attention. Leur père ne leur donne aucune nouvelle, tandis que rares sont les moments où leur mère daigne leur accorder sa présence, passant la majeure partie de son temps chez son petit-ami. 

Malgré tout, la fratrie reste très unie, les deux aînés étant la pierre angulaire de la tribu. Mais ce qu'ils pensent être le pire se produit lorsque les deux confidents se rapprochent plus qu'il n'est convenu de l'être : Maya et Lochan sont en train de tomber amoureux l'un de l'autre. Comment réussir à s'aimer quand les moeurs sont contre vous ?

Je tiens à le re-préciser une nouvelle fois : ce livre est une merveille. Une fois commencé, il est impossible à lâcher : les événements s'enchaînent avec fluidité et la trame s'emballe crescendo. La fin du roman ressemble à un énorme feu d'artifice, sauf que c'est notre coeur à nous, qui explose. Je tremblais pendant ma lecture, je n'ai pas pu m'arrêter de pleurer pendant des heures. Et il est d'ailleurs compliqué de se plonger dans un autre livre durant un moment, tellement cette expérience est forte…

Le postulat du roman peut choquer, voire révulser à première vue. L'inceste est l'un des plus grands tabou de notre société, ainsi il peut être extrêmement difficile de le voir "romancé" de la sorte. Cependant, il est important d'annoncer que cette relation est totalement consentie des deux côtés : comme le dit Maya, ils ont simplement eu le malheur d'avoir les mêmes géniteurs. Toute leur vie, ils ne se sont jamais considérés comme frère et soeur, mais davantage comme meilleurs amis, confidents. L'amour était donc une suite logique de leur relation. Je félicite Tabitha Suzuma d'être parvenue à relater une telle histoire avec autant de brio et de poésie. Je ne peux que vous conseiller de donner sa chance à ce livre, qui risque bien de vous marquer durant un très long moment. 

Et vous, avez-vous déjà ressenti de tels sentiments devant un livre ? Vous est-il déjà arrivé de pleurer sans vous arrêter face à un roman ?



Chronique #12 : Lisbonne, Fernando Pessoa

PESSOA, Fernando, Lisbonne, 10/18, 117p., 4,10€ (2000), 3/5 étoiles.


Bonjour à tous ! Après cette loooongue absence de plus de trois mois sur le blog sans aucune MaJ, je tiens à préciser une chose : I'M BACK TO BUSINESS ! :D 
J'ai eu la chance de partir pendant de longues semaines en vacances, ce qui explique en premier lieu l'abandon du blog. Mais la rentrée approchant, je reprends un rythme normal !
Et qui dit nouveau départ, dit aussi nouvel habillage ! La nouvelle interface est encore en construction, n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez. 

Entre autres, pendant ces mois d'été, j'ai eu la chance de partir quelques jours dans l'une des villes qui me faisait rêver depuis plusieurs années… Lisbonne, la capitale Portugaise !


Cette ville est tout simplement MAGNIFIQUE. Lisbonne a un charme particulier, l'impression que la ville se prélasse elle-même, contemple ses côtes avec le Tage, prend un bain de soleil perchée le haut du Castelo St Jorge… le tout en étant parfaitement accessible économiquement ! Si vous aimez Barcelone, mais que vous êtes fatigués de son ambiance électrique, dénaturée par la masse de touristes, alors Lisbonne est faite pour vous. Bien sûr, on rencontre quantité d'étrangers (et surtout des Français!), mais la cité parvient tout de même a garder son authenticité, d'autant plus si vous résidez dans le quartier d'Alfama, totalement typique du Lisbonne du XIXeme siècle !


C'est donc tout naturellement qu'en rentrant en France, j'ai eu envie de prolonger mon expérience Lisboète. Pour ce faire, je me suis plongée dans le bien nommé Lisbonne, de Fernando Pessoa.

Fernando Pessoa est un poète et romancier Portugais, du début du XXeme siècle. Il n'a pas connu la gloire de son vivant et est mort très jeune en raison de son alcoolisme. Pourtant, Pessoa est aujourd'hui considéré comme un auteur majeur de la littérature portugaise et lusophone, et un grand nombre de ses écrits n'ont pas encore dévoilés leurs secrets. 

Né à Lisbonne, mais ayant déménagé très vite vers Durban, en Afrique du Sud, Pessoa a gardé une très grande tendresse, se muant même en admiration, pour sa ville d'origine. En revenant, il redécouvre toutes les petites ruelles, les places, les parcs… Et s'attèle, dans les années 1920, à écrire un livre à destination des touristes, ayant comme ambition de recenser tout ce qu'il faut voir à Lisbonne. 

Ainsi, l'auteur livre une description détaillée de tous les lieux de la capitale, en partant de la Praça do Comercio, jusqu'à la Tour de Belem et le Mosteiro dos Jerónimos. Si ce petit voyage permet d'en apprendre un peu plus sur les lieux emblématiques de la cité, notamment sur leur histoire, l'énorme accumulation de détails est assez déroutante… voire ennuyante, par moments, puisque j'avais l'impression de lire un article Wikipédia, sans âme particulière ! Je m'attendais à une description bien plus romancée, romantique, et je suis finalement tombée sur une sorte d'atlas. 


Un autre point m'a quelque peu déçue : Pessoa souhaitait faire découvrir les environs de Lisbonne, et notamment la sublime petite ville de Sintra, classée au Patrimoine Mondial de l'Humanité depuis, regorgeant de palais tous plus beaux les uns que les autres. Sauf que… la description du village n'excède pas quelques lignes !

Toutefois, j'ai bien apprécié le fait que ce livre me permette de découvrir la ville une seconde fois, sous le prisme du début du XXème siècle, là où la ville était encore bouleversée par le grand tremblement de terre de 1755. Et, tout le long, je ne pouvais m'empêcher de me poser les questions suivante : qu'est ce que Pessoa aurait pensé de la Lisbonne d'aujourd'hui ? Aurait-il été heureux de son succès auprès des voyageurs, ou au contraire déploré le risque d'uniformisation de la capitale ? 

En conclusion, je vous conseillerais ce livre si vous êtes déjà allez à Lisbonne et que vous souhaitez prolonger l'expérience, ou alors si vous comptez y aller et avoir un premier descriptif de la ville pour ensuite la découvrir pour de bon ! 



Réflexion livresque #1 : Que cherchons nous dans les romans d’anticipation ?



J’ai décidé d’inaugurer une rubrique un peu particulière aujourd’hui. J’aime beaucoup livrer mes sentiments quant aux livres que je viens de terminer, mais je souhaiterais, de temps en temps, aller au delà. Partager une réflexion plus globale, profonde aussi, peut-être. 

Vous l’avez sûrement remarqué par le biais de mon blog, ou alors si vous me suivez également sur Goodreads : je suis une fervente admiratrice des romans d’anticipation. On les appellent également « dystopies », ou on les regroupent sous l’imposante catégorie prénommée « science-fiction ». Mais cette question terminologique importe peu, puisqu’après tout, l’important est de cerner la réalité que ce terme recouvre : imaginer notre société dans un futur plus ou moins proche, où les individus ne pourrons pleinement se réaliser car empêchés par une force extérieure. La plupart du temps, cette dernière s’avère être un gouvernement totalitaire. Vaste sujet. 

Les dystopies se sont développées au cours du XXeme siècle. De tête, Nous autres de Ievgueni Zamiatine tient la grappe, bien que d’autres doivent lui être antérieurs. S’en sont suivis, dans les années 1940-1950, des énormes classiques de la littérature : 1984, Le Meilleur des Mondes, Chroniques Martiennes, Fahrenheit 451… Plus récemment, Philip K. Dick, Margaret Atwood ou encore le français Jean-Christophe Ruffin ont pris le pas.

Mais ce genre a réellement repris de l’engouement avec les dystopies jeunesses, adaptées au cinéma ou à la télévision. Pour les plus connues, on va citer les incontournables Hunger Games, Divergent, The 100, The Maze Runner ou encore The Giver. J’avoue avoir commencé avec cette nouvelle école. Je suis une fan absolue de la sage The Hunger Games. Alors je suis d’accord, l’idée est totalement pompée sur « Battle Royal », d’origine japonaise, mais il n’en reste pas moins que cette sage signifie beaucoup pour moi : lire un personnage bad ass comme Katniss Everdeen m’a fait un bien fou, pour ne citer que cet exemple. Un succès entraînant un autre, je me suis attelée à la lecture de Divergent, et d’autres, un poil plus confidentielles, vont suivre.

Mais cette découverte jeunesse m’a peu à peu amenée vers les romans d’anticipations plus exigeants, comme 1984, qui m’a retourné dans ma chaire. À la fin de cette lecture, j’étais tellement mal que je me suis demandée pourquoi je m’infligeais des ouvrages si noirs, pessimistes. Après tout, que recherchons nous dans ces livres ? À nous faire peur, ou au contraire à nous rassurer ?




Je n’aiderai personne en pensant qu’il y a surement un peu des deux. Les descriptions de mondes post-apocalyptiques, ravagés par les guerres et la pollution ne peuvent que nous faire frissonner. Surtout sachant le contexte : les individus ouvrent enfin les yeux sur les particules fines qui empoisonnent régulièrement les grandes villes du monde, la situation géopolitique (faut-il citer l’Ukraine?) se tend peu à peu. Les partis xénophobes n’ont jamais été autant populaire dans l’opinion publique. La Loi Renseignement a été adoptée en France, donnant un aspect Orwellien à notre société. Les situations évoquées dans ces romans paraissent de plus en plus plausibles. Le tout, sous une apathie des citoyens. Lire des romans d’anticipation serait-il une manière de nous préparer, tout doucement, vers ces sociétés vers lesquelles nous convergeons ? À nous conditionner au pire, à savoir comment réagiraient les gens sous une dictature a demi-voilée ? Comme je l’ai dit dans ma chronique précédente, j’ai été frappée par une citation :

Les masses ne se révoltent jamais de leur propre mouvement, et elles ne se révoltent jamais par le fait qu’elles sont opprimées. Aussi longtemps qu’elles n’ont pas d’élément de comparaison, elles ne se rendent jamais compte qu’elles sont opprimées.

Le processus semble chaque fois en marche, sans que personne ne soit capable de l’arrêter. À glacer le sang.

Mais une figure récurrente intervient systématiquement dans ce type de romans : le rebelle. Que ce soit Katniss Everdeen, Winston Smith, Tris Prior, Guy Montag, tous cherchent à inverser le cours des choses. Héros révolutionnaires, ils incarnent l’espoir d’un retour vers une civilisation démocratique. Ils prouvent que toute révolte ne peut être tue, et que bien organisée, elle peut renverser un pouvoir totalitaire (cela nous vous rappelle t-il pas quelque chose, notamment dans une histoire de France pas si lointaine que cela ?).

Lire des romans d’anticipation serait alors, paradoxalement, une façon de reprendre confiance dans le genre humain. Une manière de se prouver que tout n’est pas voué à partir en cacahuètes, que l’Homme ne peut rester passif indéfiniment. Mais… Quel enseignement tire t-on lorsque ces dites révolutions sont confisquées ? Que l’attrait du pouvoir est plus fort que tout ? Que l’on ne peut réellement faire confiance à quiconque ? Ou l’image du serpent qui se mord la queue…

Au final, je pense que l’enseignement supérieur qui se détache de ces bouquins est que nos libertés sont fragiles, et qu’il faut rester, en toutes circonstances, vigilants quant à leur préservation. Qu’il ne faut pas attendre que le mal soit ancré pour le combattre. C’est cette version que, personnellement, je souhaite garder en tête après chacune de ces lectures. C’est utopique, oui, mais peut-être bien que la dystopie veut nous amener vers ce point. Comme l’utopie nous fait voyager vers son contraire.

Et vous, lisez-vous des romans d’anticipation ? Si oui, qu’en pensez-vous ?

Chronique #11 : 1984, George Orwell

ORWELL, George, 1984, e-book, 8,50 € en livre de poche, 438p. (1949). 5/5 étoiles. 

Ma grande affection pour les dystopies me perdra… Il y a quelques jours, j'ai lu 1984, soit LE grand roman de George Orwell ! L'année dernière, je m'étais plongée dans La Ferme des Animaux, et j'avais déjà été frappée par le pessimisme de ses récits. Un pessimisme au service d'une satyre sociale et politique.

Ici, ce sentiment est davantage exacerbé. Nous sommes en 1984, en Océania, force politique rassemblant les puissances anglo-saxonnes. En face, il y a l'Eurasia, l'équivalent de l'Europe, et l'Estasia, correspondant à l'Asie. L'Océania est en guerre contre l'Eurasia. Ou l'Estasia. Au final, on ne sait plus trop. Et au milieu de ce capharnaüm policé, nous retrouvons Winston Smith. Il travaille pour le parti intérieur de l'ANGSOC, au pouvoir en Océania, incarné par le grand Big Brother. Et entretemps, il est surveillé par des télécrans, ayant comme but de scruter tous ses faits et gestes. 

Mais Winston ne veut plus de cette vie là. Travaillant au service des archives, il se rend bien compte des mensonges du parti. Big Brother avait annoncé, un an plus tôt, que la ration de chocolat serait de 30 grammes par semaine, mais l'objectif n'est finalement pas atteint ? Changeons, alors ! Big Brother vous avez annoncé qu'elle serait de 15g, et elle est passée à 20 ! Vive Big Brother ! Voilà à quoi se résume le travail de Winston. 

Il sait qu'il ne peut pas renverser le parti seul. Certains ont essayé et ont été rayés de la mémoire collective. Plus aucune trace. Alors il espère que consigner ses mémoires dans un carnet, à destination des générations futures, aidera. Mais il sait que c'est peine perdue. Big Brother gagne toujours. Toujours.

Je préfère vous prévenir de suite : à la fin de cette lecture, j'ai perdu toute foi en l'humanité. Cela n'a beau être qu'un récit, il contient une force qui vous transperce, qui vous transporte au-delàLa marque des grands romans, sûrement. Et surtout, je trouve ce roman très actuel : alors certes, tous les pays ne sont pas continuellement bombardés, nous ne sommes pas forcés de crier quotidiennement notre haine contre le traite de la nation durant un certain laps de temps… Mais il n'en reste pas moins que nous tendons vers une surveillance généralisée. Le scandale de la NSA n'est pas si loin. 

Je resterai évasive sur ce point, pour ne spoiler personne, mais la dernière partie du roman est un supplice. Nous vivons tout comme Winston, intensément. Puis, un propos de George Orwell m'a fait tiquer : pourquoi les masses, qui sont les grandes perdantes de l'histoire, vivant dans une précarité extrême, ne se révoltent-elles pas, sachant qu'elles ont l'avantage du nombre ? Tout simplement car n'ayant pas de moyens de comparaison, elles ne se rendent pas compte de leur soumission. Percutant.

Cette chronique peut peut-être rebuter, j'en ai conscience, mais au final, ce roman est réellement à lire ! Il ne fait que nous ouvrir les yeux sur un passé exécrable (ce récit étant une critique du régime Stalinien) et nous préviens de ce qui pourrait advenir si nous ne restons pas vigilants. Un simple conseil : mangez une bonne pâtisserie à côté, cela vous réconfortera.




Chronique #10 : The Guest Cat, Takashi Hiraide

HIRAIDE, Takashi, The Guest Cat, Picador, 140p., environ 8 euros (2001), 3/5 étoiles.


Aujourd'hui, je vais vous parler d'un petit roman japonais, traduit en anglais et lu par une française. La joie de la mondialisation ! Plus sérieusement, je vais vous donner mon ressenti quant à la lecture de The Guest Cat (Le chat qui venait du ciel, en français), qui fut assez mitigée

Dans ce récit, nous allons à la rencontre d'un couple de trentenaires, vivant dans une banlieue paisible de Tokyo. Tous les deux éditeurs, ils vivent une vie morne, monotone. Mais tout bascule lorsqu'une chatte débarque dans le quartier et leur fera réapprendre les petits plaisirs de la vie. 

Ça a l'air pathos dit comme ça, mais c'est bien plus suggéré en réalité. Takashi Hiraide est connu pour produire beaucoup de poésie et, même si l'on est face à un roman, on ressent bien la patte lyrique insufflée au récit, lui donnant une extrême sensibilité. 

J'attendais énormément de ce livre puisque je suis une grande amoureuse des chats (et surtout du petit roux sur la photo). Et je dois avouer que j'en ressort un peu déçue : certains passages du bouquin m'ont fait sourire, m'ont amusé, m'ont touché. Mais au final, de nombreux passages ne sont mémorables. Je ne sais pas si j'ai manqué quelque chose, ou si au final cette platitude, certes très belle, n'est pas faite pour moi. Je pense redonner sa chance à ce livre d'ici quelques temps, et je ne désespère pas de l'apprécier davantage ! Et puis, il faut avouer que la couverture de l'édition anglaise est simplement sublime, rien que ce point donne envie d'ouvrir ce livre !

Si vous aimez la littérature japonaise et que vous souhaitez une lecture simple, courte, s'attachant aux petits détails de la vie, je vous conseille de vous plonger dans The Guest Cat. Après 1984, j'avoue que cette lecture m'a fait le plus grand bien. Toutefois, attention à l'édition anglaise : le style est assez ardu et il faut s'accrocher, bien que cela peut en valoir la peine !

À bientôt pour une nouvelle chronique :)